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Centre Culturel RACHI

Un merveilleux creuset de judéité

L’Association du Centre Culturel RACHI de Troyes a été créée dans les années 60 afin de promouvoir la culture juive.

Au commencement, en 2010, tout débuta par la cruelle révélation que la communauté juive de Troyes pouvait disparaitre faute de ressources financières.

Comme dans de très nombreuses villes de province en effet, la pratique religieuse était en recul, et le nombre de familles apportant leur dime à la synagogue diminuait inexorablement d’années en années. Les anciens grands donateurs, tous bonnetiers aubois, étaient aussi partis pour un monde meilleur.

Les bâtiments, quant à eux, acquis dans les années 60 par les fondateurs de la communauté moderne subissaient cruellement les outrages du temps. L’équation était donc insoluble. Comment couvrir les frais d’une restauration immobilière d’envergure sans ressources importantes ?

Fort de ce constat alarmiste mais ô combien avéré, les dirigeants envisageaient la mort dans l’âme, le repli sur soi et la fermeture progressive des salles et des activités communautaires. Cette situation connue par beaucoup de responsables ayant dû fermer leur synagogue, dans les villes voisines de Troyes, étaient profondément attristantes et faisait perdre espoir aux fidèles les plus vaillants. 

Mais c’était sans compter sur la volonté d’un homme, René Pitoun, usufruitier de l’énergie de tous les dirigeants qui l’avaient précédé. Il refusa le déclin de cette communauté ancestrale et releva le défi : « s’il n’y a pas d’homme autour de toi, comporte-toi en homme » nous dit le Talmud. Et il se comporta en homme. 

Afin de poursuivre l’œuvre des pères fondateurs, il se fixa comme mission de se lancer dans une restauration immobilière de grande ampleur, même si sa vision de l’usage des bâtiments n’était pas réellement définie.

C’est d’ailleurs une des leçons enseignées par le judaïsme : l’acte précède le sens. 

C’est ce qu’il fit en cherchant tous azimuts des ressources nécessaires à la restauration immobilière. La première fondation philanthropique qu’il sollicita fut la fondation Edmond J. Safra à Genève, qui toute en bienveillance et en admiration pour son engouement sans faille, s’engagea à ses côtés dès le début. 

Cette bienveillance fut doublement récompensée par non seulement les premiers résultats d’une restauration immobilière de grande qualité mais aussi, par l’enthousiasmante confiance suscitée auprès d’autres fondations, des particuliers et des entreprises ainsi que les collectivités locales.

 

En 8 ans, le résultat fut très concrètement une réussite et il aurait pu s’arrêter là, puisqu’il avait atteint le terme de sa mission. Les bâtiments de la Synagogue Rachi de Troyes étaient sauvés pour de nombreuses générations de Juifs qui voudront bien les utiliser. Son pari était donc réussi.

La synagogue des miracles…

Mais à la réflexion, il comprit que c’était un leurre et que sa mission n’était pas tout à fait finie.  Si l’acte précède le sens, le sens est tout de même l’aboutissement final. La vérité lui apparut progressivement dans toute sa complexité. La restauration immobilière n’avait de sens qu’en atteignant un but suprême : Rendre à Rachi sa maison, dans sa ville natale.

En effet, depuis 1524, date d’un terrible incendie à Troyes, toutes les maisons en pans de bois du centre-ville avaient disparues et il ne restait bien sûr aucune trace matérielle de Rachi à Troyes. C’est ce qu’avait d’ailleurs répondu François Baroin, maire de Troyes, à la question de la création d’un musée Rachi. La réponse était sans appel « Que voulez-vous montrer concernant Rachi ? Tout a brulé et il n’existe plus rien ». 

 Cette réponse frappée au coin du bon sens, ne trouvait pourtant pas d’écho dans l’âme profondément juive de René Pitoun et ne pouvait totalement le satisfaire. 

D’abord, parce que la même année 1524, date de ce terrible incendie à Troyes, Daniel Boomberg, imprimeur de son état, et mandaté par la communauté juive de Venise, avait édité l’intégralité du Talmud de Babylone avec les commentaires de Rachi, en marges intérieures. Cette pagination, reprise par l’ensemble des éditeurs du Talmud depuis cette date, et élevant Rachi au rang d’une véritable institution, ancrait définitivement les commentaires de Rachi dans toutes les études juives, et ce, pour des siècles et des siècles, partout dans le monde.

Ensuite, parce que René Pitoun commençait à prendre conscience progressivement du sens de sa mission. Ce qu’il devait réaliser, c’était donner à la communauté juive mondiale un lieu de recueillement, de prières et de mise à l’honneur du commentateur le plus abouti de la Torah et du Talmud. Véritablement et au sens littéral, RENDRE A RACHI, SA MAISON…

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Inutile de dire que sans connaître réellement l’endroit où Rachi était enterré, sans véritable expérience muséographique et avec une connaissance très empirique des commentaires de Rachi et de la religion juive, la tâche aurait pu apparaitre insurmontable. Mais là est bien le sens de la judéité.

David Ben Gourion rappelait, lors de la création de l’état d’Israël : « Un juif qui ne croit pas aux miracles n’est pas réaliste ». Et René Pitoun se mit à croire aux miracles.

Il entreprit de se lancer dans une réalisation très concrète de ce que pouvait représenter la vie de Rachi au 11e siècle, rendant le texte de la Bible accessible au plus grand nombre par un procédé d’une modernité stupéfiante. Il parvint aussi à expliquer, dans une autre salle, l’extraordinaire aventure du Talmud, la Loi Orale, conglomérat de tous les commentaires des sages du judaïsme, durant des milliers d’années, révélant en complément de la Torah, l’essence même du judaïsme.

Ce faisant, créant un univers logique et cohérent, chargé d’émotions véritables et de sérénité, y apportant à la fois, la gaieté, la profondeur et la richesse de la culture juive, il créa ex-nihilo ce qu’il convient d’appeler dorénavant « la Maison Rachi ».

En entrant aujourd’hui dans cet endroit magique, on est frappé par sa transparence, sa luminosité et la beauté qui s’en dégage, éclairé par la seule chose authentique de l’époque de Rachi, le ciel de Troyes. Très souvent, les visiteurs en ressortent éblouis, heureux et fiers d’être juifs ou de comprendre enfin la religion juive, comme si René Pitoun, et avec lui tous les dirigeants passés de la communauté juive de Troyes, par cette création originale, avaient transmis leur force et leur âme.

En 2020, la dernière salle vient d’être terminée et la maison Rachi est aboutie. 

Et à en croire les nombreux visiteurs, il devrait être notifié pour tout juif, comme un commandement impérieux de venir la visiter, comme s’il s’agissait de la 614e mistva, tant elle représente la puissance, la force et l’intelligence de l’âme juive. 

On connait d’ailleurs dorénavant beaucoup mieux ce magnifique creuset de judéité sous le nom de « la Merveilleuse Maison Rachi de Troyes ». 

Le mot du président

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Quand je regarde le travail accompli depuis 11 ans, je dois avouer que je suis stupéfait, au sens strict du terme. Je me souviens très bien de l’effarement qui était le mien en septembre 2010. Je faisais alors assez régulièrement des visites de contrôle dans nos bâtiments vieillissants. Mes pas m’avaient conduit, presque par hasard, au 2e étage du n° 9 de la rue Brunneval, à Troyes. J’ai alors constaté ce qui m’est tout de suite apparu comme une catastrophe insurmontable.

Une des sablières supérieures du bâtiment, grosse poutre en chêne longue de 10 mètres, à la section imposante, était en si mauvais état qu’à force de plier, elle avait fini par se rompre. Cette rupture fragilisait bien sûr tout le bâtiment. Elle impliquait de plus, dans un effet de dominos, non seulement le remplacement de la poutre, mais également celui des poteaux qui la supportaient, des fermes de charpente, des solives, des planchers, etc.

Partout où mon regard se portait, je constatais avec effroi que des travaux s’imposaient. Ma petite expérience dans l’immobilier ancien ne me trompait pas. Si nous n’entreprenions pas immédiatement une réhabilitation, le bâtiment allait s’écrouler. Ces travaux d’envergure nécessitaient un financement très important, impossible à assumer par une petite communauté. Le constat était donc simple : ne pas entreprendre une restauration sérieuse du bâtiment revenait à laisser la communauté disparaître. Voilà pourquoi je parle très régulièrement de question de survie. C’est avec ce que l’on pourrait appeler l’énergie du désespoir que nous avons œuvré durant 11 années. Il fallait nous atteler sérieusement à la tâche et c’est ce que nous avons fait.

J’ai été aidé dans cette mission par de très nombreuses personnes que je ne remercierai jamais assez : les entreprises, les artisans, les compagnons, tous corps d’état confondus, mais aussi les architectes, les bénévoles de nos associations, nos très nombreux donateurs, les innombrables visiteurs qui, par leurs commentaires élogieux, cautionnent tous les jours nos efforts. Toutes et tous doivent trouver ici l’expression de mes très vifs remerciements et de ma reconnaissance éternelle.

Au moment de fermer les yeux pour toujours, lorsque je porterai un dernier regard sur ma vie, les 11 années de gestation de cette Maison Rachi compteront assurément parmi les plus belles. Celles qui me feront regretter ce bas monde mais qui aideront sans doute mes malakhim  à m’ouvrir les portes du paradis.

J’écris ces quelques lignes aujourd’hui en me remémorant avec quiétude le bonheur d’avoir créé un lieu magique, qui évoque – et de quelle manière – le plus beau et le plus profond du judaïsme. En donnant ainsi à Rachi sa maison, en lui affectant une adresse à Troyes, j’ai pleinement conscience que je n’étais pas seul. Le Ciel m’a porté, m’a soutenu et m’a insufflé l’énergie indispensable pour réussir cette mission. J’ai eu cette chance.

Si nous n’avions pas nommé « Maison Rachi » notre synagogue, nous aurions très bien pu l’appeler, tant cette aide extérieure fut quotidienne, la Synagogue des Miracles. Cela aurait eu la même résonance.

René Pitoun